#51 - PHOTOS CARNAVAL 2025 : La révolte en fête à Jacmel
Jacmel en mode révolte, Fort-Liberté contre l’adversité, Cayes-Jacmel au rythme des band-a-pied, adieu national à Frankétienne, Mebel Brun en amour et angoisse des habitants de Port-au-Prince

La crise sécuritaire qui frappe la capitale haïtienne a inspiré les artistes du célèbre carnaval de Jacmel, connus pour leur esprit critique. Malgré la quasi-absence de touristes, les Jacméliens se sont rassemblés en grand nombre pour admirer leurs œuvres et profiter d’un moment de fête. Tout ça et bien plus dans l’édition #51 de HAÏTI MAGAZINE par DÈYÈ MÒN ENFO.
Sommaire #51
Jacmel entre tradition et révolte

En plus des masques de figures mythiques emblématiques du carnaval, des cercueils et des mitraillettes en papier mâché ont aussi emprunté le parcours cette année pour dénoncer la violence qui ravage la capitale et ses environs. Aux policiers, régulièrement représentés en papier mâché, se sont ajoutés les groupes armés, devenus à leur tour des icônes du carnaval dans cette ville réputée pour son artisanat carnavalesque.



L’artiste Vady Confident et son équipe ont aussi présenté une scène saisissante pour dénoncer l’insécurité qui s’étend de la capitale jusqu’aux portes du Sud-Est. Hors du carnaval officiel, ils ont mis en scène, en papier mâché, des marchands, des policiers et des journalistes pris au piège de bandits armés de fusils automatiques.

Le carnaval officiel de Jacmel a lieu une semaine avant le carnaval national. Cependant, de nombreux artisans poursuivent les festivités jusqu’aux trois jours gras.

Le défilé officiel s’est déroulé le dimanche 23 février devant une foule bigarrée, majoritairement composée d’habitants de la région. Dès 14h, les troupes de danse et les masques en papier mâché ont pris le départ.

Au premier défilé, l’ambiance était familiale, rythmée par les danses et les chorégraphies des personnages mythiques du carnaval.

Parmi ces figures, le dyab (diable) est sans doute le plus connu, avec ses masques aux traits maléfiques. Certains dyab, appelés zèl, portent des ailes spécialement conçues pour émettre un claquement sonore lorsqu’elles se frappent ensemble.

Au bout de la rue principale, une estrade en bois accueille le jury chargé de désigner les vainqueurs des différentes catégories.
En soirée, les fanfares ont pris le relais, plus dynamiques que jamais. Chaque band-a-pied représente un quartier ou une zone de la région, et défile avec sa propre musique thématique.

Des dizaines, voire des centaines de personnes suivent chaque groupe, dansant au rythme des tambours.





Les band-a-pied sont composées principalement de percussionnistes et de joueurs de kone (prononcé “coné”), une trompette ne produisant qu’une seule note.







Pour jouer une mélodie, chaque musicien doit intervenir au bon moment, nécessitant une parfaite coordination du groupe.















































Fort-Liberté : la fête contre l’adversité

Désignée pour accueillir le carnaval national, la ville de Fort-Liberté a finalement perdu son financement après que le premier ministre haïtien eut cédé aux critiques dénonçant l’incohérence d’un tel budget en pleine crise.

Malgré ce revirement de dernière minute, les autorités locales ont maintenu un carnaval plus modeste, mais tout aussi fréquenté par la population.

Trois grands chars allégoriques ont défilé l’après-midi aux côtés de petits convois. L’un des chars était consacré aux traditionnels roi et reine du carnaval, tandis qu’un autre rendait hommage aux policiers haïtiens.
En soirée, de nombreuses fanfares du Nord-Est ont pris le relais. Un peu plus tard, trois groupes de konpa direct du Cap-Haïtien – Septentrional (lundi), Tropicana (mardi), et Anbyans (lundi et mardi) – ont, sur leurs chars, enflammé la foule.





Cayes-Jacmel au rythme des band-a-pied

Voisine de Jacmel, la ville de Cayes-Jacmel célèbre aussi le carnaval, notamment durant les trois jours gras. Deux scènes ont été installées sur la rue principale, où des musiciens locaux se sont succédé.



Chaque passage de fanfare interrompait la programmation des artistes pour laisser place à la musique de rue.








Véritables stars du carnaval, les band-a-pied attiraient les foules en défilant dans toute la ville.






Frankétienne, un adieu national à une légende
Des funérailles nationales ont eu lieu à l’église Saint-Pierre de Pétion-Ville le 28 février pour saluer la mémoire de Frankétienne, écrivain, peintre et auteur de Dézafi (1975), premier roman en créole.
De nombreux dignitaires étaient présents, dont le Président du Conseil présidentiel de transition et le premier ministre.





Vidéoclip de la semaine
Moun mwen - Mebel Brun
Sans prétention, le morceau Moun mwen – que l’on pourrait traduire par Quelqu’un de mon équipe en français – s’est imposé comme un véritable ver d’oreille, séduisant les DJ et envahissant les réseaux sociaux depuis la mi-février.
« Si t’aimer est un crime, qu’on m’arrête sur-le-champ », lance le premier couplet de cette déclaration d’amour portée par un rythme aux influences afropop et konpa.
« C’est avec toi que je veux tout partager », poursuit Mebel Brun, avant de conclure sur un refrain entêtant : « Ça, c’est Moun mwen… Je suis jaloux pour Moun mwen, je suis sensible pour Moun mwen, j’aime Moun mwen. »
Fuir ou subir : l’angoisse des habitants de Port-au-Prince

L’angoisse s’est intensifiée parmi les habitants des dernières zones encore épargnées de Port-au-Prince. Au cours des deux dernières semaines de février, des attaques coordonnées de groupes armés ont été signalées simultanément dans plusieurs quartiers. Des milliers de personnes ont à nouveau été contraintes d’abandonner leur domicile, déambulant dans les rues avec leurs rares effets personnels. Depuis le 14 février, au moins 42 000 personnes ont dû fuir leur maison, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
La majorité des déplacés proviennent de Delmas 30, un quartier où les assauts se sont poursuivis sans relâche depuis trois semaines. D’autres attaques ont été rapportées à Carrefour-Feuilles et à Pernier, aux portes de Pétion-Ville. À Kenscoff, après une accalmie de deux semaines, les violences ont repris, et des groupes armés ont fini par prendre le contrôle d’une partie de la route principale. Cette artère stratégique est à nouveau bloquée depuis mardi, rendant les déplacements quasi impossibles.
Clin d’œil – Un sommet pour l’avenir économique d’Haïti
Le sommet Kenari 2025 s’est tenu le 2 mars, réunissant plusieurs experts, dont Etzer Emile et Marc Alain Boucicault, pour débattre des enjeux de l’éducation, de l’inclusion financière, des nouvelles technologies et du commerce international. L’événement, organisé en partenariat avec le PNUD, a rassemblé plus de 1 000 participants. Josué Visual, photographe et collaborateur de HAÏTI MAGAZINE, a été invité à immortaliser cette journée riche en échanges.



L’équipe DÈYÈ MÒN ENFO
Photo-journalistes : Francillon Laguerre, Sonson Thelusma, Andoo Lafond, Milot Andris, Patrick Payin
Comité éditorial : Etienne Côté-Paluck, Jean Elie Fortiné, Jean-Paul Saint-Fleur
Stagiaires : Wilky Andris, Donley Jean Simon
Collaboration spéciale : Ketlain Difficile, Josué Visual, Siffroy Clarens, Stéphanie Tourillon-Gingras, Mateo Fortin Lubin
Partenaires médiatiques : Centre à la Une, J-COM, Nord-Est Info
Partenaire institutionnel : Kay Fanm, Mouka.ht
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