#50 - Sud-Est : Un pont maritime vers la frontière
Rendez-vous sur les flots, vibrant concert de Nehemie Bastien, l’esprit du carnaval toujours vivant, le dernier grand succès de Teddy Hashtag en vidéo et Kenscoff résiste sous les balles
Le trajet dure entre quatre et cinq heures. Mais c’est le seul moyen de relier rapidement Marigot à Anse-à-Pitre, la dernière ville avant la frontière dominicaine. Le lumineux bateau Rendez-vous, qui transporte à la fois des marchandises et des passagers – avec un service de bar inclus –, est le plus long du genre dans le département du Sud-Est. Il effectue le voyage deux fois par semaine depuis son inauguration l’an dernier. Tout ça et bien plus dans l’édition #50 de HAÏTI MAGAZINE par DÈYÈ MÒN ENFO.
Mot de la rédaction : De plus en plus de journalistes réalisent des reportages vidéo en Haïti, et nous avons décidé de les mettre de l’avant dans la section Revues de presse enrichie de ces contenus.
Sommaire #50
Rendez-vous sur les flots
L’aéroport de Port-au-Prince étant toujours fermé, le bateau reliant Marigot à Anse-à-Pitre, sur la côte sud d’Haïti, est désormais, après la route d’une journée dans les montagnes, le moyen le plus rapide de rejoindre la République dominicaine depuis la capitale. Le tout nouveau Rendez-vous, mis à l’eau l’an dernier, offre un meilleur confort et davantage de sécurité aux passagers.
Le bateau assure deux traversées hebdomadaires entre Marigot et Anse-à-Pitre, à la frontière dominicaine. En plus de transporter des marchandises, il dispose d’une petite couchette sur le pont, de gilets de sauvetage pour tous les passagers, d’un service de bar à bord et de lumières colorées qui accompagnent la musique.
Jusqu’à présent, les bateaux de marchandises qui empruntaient cette route n’offraient ni ce niveau de confort ni cette sécurité. Les passagers devaient s’installer à même les sacs de marchandises pour le voyage de nuit.
Le port de Marigot est en pleine effervescence le jeudi soir. À 22h30 les marchandes de fritay font de bonnes affaires. Un camion de marchandises, sur lequel est peint JACMEL P.AU.P en bleu, rouge, orange et vert, est en cours de déchargement.
Deux soirs par semaine, sous la supervision du Service maritime et de navigation d’Haïti, une douzaine d’embarcations prennent le large vers Anse-à-Pitre, ville frontalière de Pedernales, en République dominicaine. La plupart transportent des marchandises. Ils voyagent ensemble pour des raisons de sécurité.
Seul le Rendez-vous – le plus grand et le plus récent de ces bateaux – est aussi conçu pour le transport collectif, bien qu’il puisse également accueillir du fret. Son propriétaire, qui possède une chaîne de boutiques et un hôtel dans la région, a voulu améliorer la qualité du voyage pour les passagers.
Lors de notre passage, la musique compas jouait dans les haut-parleurs pendant que nous profitions d’une bière Prestige sur le pont au rythme des flots. Les lumières et la musique s’arrêtent un peu après minuit, et les passagers, pour le plupart, se couchent sur un petit matelas, certains avec leur gilet de sauvetage au cou.
Courte et bercée par les vagues, la nuit s’achève sur un magnifique spectacle : l’un des plus beaux levers de soleil qui soient. À l’arrivée, les bateaux aux hautes parois de bois, peints de couleurs vives, sont amarrés à distance du quai principal, celui-ci étant en réparation. Une plus petite embarcation se charge d’acheminer les passagers vers l’immense plage qui s’étend devant eux.
Les voyageurs souhaitant se rendre en République dominicaine n’ont ensuite que quelques pas à franchir pour atteindre le poste frontalier.
Le Rendez-vous mesure 48 pieds sur 19, explique Verdieu “Tidjo” Sainvil, son contremaître et constructeur. « Avec du bois uniquement, la taille du bateau est plus limitée », précise-t-il, alors qu’il effectue le voyage en compagnie d’une partie de l’équipe de DÈYÈ MÒN ENFO.
Sainvil s’est spécialisé dans la fibre de verre à Marigot, une première dans la région. Il construit actuellement trois autres bateaux similaires. Il travaille avec un ingénieur qui valide ses plans, et avec un charpentier chargé de la construction en bois. Par la suite, toute la structure est recouverte de fibre de verre, ce qui améliore l’étanchéité du bateau et facilite sa glisse sur l’eau, tout en permettant de fabriquer des embarcations plus longues.
« Sans marchandises, le Rendez-vous peut accueillir 400 personnes », ajoute-t-il. Lors de notre traversée, nous étions peut-être une centaine à bord.
Avec son confort inédit pour un bateau de cette catégorie, le Rendez-vous est bien plus qu’un simple moyen de transport : il symbolise l’évolution de la mobilité entre le Sud-Est d’Haïti et la République dominicaine. Il complète désormais le parcours vers la frontière depuis la capitale, Marigot étant le terminus de la dernière route encore praticable pour sortir de Port-au-Prince.
Un concert vibrant signé Nehemie Bastien
Le 6 février, la chanteuse Nehemie Bastien est montée sur scène pour présenter À corps et à souffle, un concert empreint d’émotion. Cet hommage aux luttes de la vie a conjugué lectures, compositions originales et reprises de compas, pour le plus grand plaisir d’un public emporté par l’intensité du moment.
Accompagnée de musiciens, l’artiste – également comédienne – a captivé son auditoire grâce à sa voix chaleureuse et son talent unique pour transmettre toute la profondeur et la sensibilité de ses chansons.
Jacmel : L’esprit du carnaval toujours vivant
Alors que le débat fait rage sur la légitimité du financement, en temps de crise, de telles festivités par le gouvernement, les artistes du carnaval de Jacmel restent déterminés à faire vibrer cette tradition.
Fanfares, danseurs, comédiens et créateurs de masques de Jacmel – dont certains se préparent des mois à l’avance – ont une fois de plus envahi les rues lors des deux derniers dimanches, en prélude au carnaval prévu le 23 février.
L’atmosphère festive reste toutefois imprégnée de la crise qui secoue le pays. Les critiques sociales, omniprésentes au carnaval, y font directement écho, tandis que l’absence marquée de touristes dans les rues, perceptible depuis quatre ans, laisse un vide notoire.
Vidéoclip de la semaine
Kimoun ou ye - Teddy Hashtag feat. L-won
L’un des plus grands succès musicaux de l’automne a enfin son vidéoclip. Kimoun ou ye (Quel genre de personne es-tu ?) de Teddy Hashtag a permis au jeune chanteur de s’imposer comme l’une des plus grandes révélations de l’année dernière sur la scène musicale haïtienne.
Dans cette chanson, Hashtag interroge une femme : « Dis-moi qui es-tu ? », exprimant son incompréhension face à son comportement : « Depuis quelques jours, je ne te comprends plus. » Il ajoute : « Je ne trouve pas les mots pour décrire tout ce que tu m’as fait, mais si tu veux me quitter, dis-le moi. »
« Mon cœur se brise facilement, » conclut-il dans le second couplet, « dis-moi la vérité, ne me prends pas pour un imbécile. »
Kenscoff résiste sous les balles
La commune de Kenscoff, perchée dans les montagnes au-dessus de Pétion-Ville, vit dans la frayeur depuis la fin janvier. Un groupe armé venu de Carrefour, plus bas dans la montagne, a pris le contrôle de plusieurs localités limitrophes.
Les forces de l’ordre ont répliqué, mais leur intervention a été trop tardive et insuffisante pour empêcher le déplacement de plus de 3 000 personnes, et la mort d’au moins 150 personnes, selon des organisations de défense des droits humains. La situation reste critique à ce jour.
La Protection civile haïtienne organise des distributions de denrées pour les sinistrés, principalement à l’hôtel de ville de Kenscoff. Toujours sous le contrôle des autorités, le centre-ville est traversé par une route départementale qui relie Port-au-Prince au département du Sud-Est (Marigot) en passant par les montagnes.
Bien qu’en partie en terre, cette route est devenue un axe crucial ces derniers mois, alors que l’aéroport Toussaint-Louverture demeure fermé et que toutes les autres voies permettant de quitter la capitale sont sous le contrôle de groupes armés. À Kenscoff, l’objectif des assaillants semble être une fois de plus la prise de contrôle de ce tronçon stratégique afin d’y imposer une surveillance et un droit de passage.
Clin d’oeil : De nombreux artisans à la rencontre Zen Ayiti
L’hôtel El Rancho de Pétion-Ville a accueilli la 4e rencontre rencontre sur la spiritualité Zen Ayiti les 1er et 2 février derniers. En plus des 23 conférences et d’un espace dédié aux soins, des dizaines d’artisans et d’entrepreneurs s’y sont réunis pour célébrer le bien-être.
L’équipe DÈYÈ MÒN ENFO
Photo-journalistes : Francillon Laguerre, Sonson Thelusma, Andoo Lafond, Milot Andris, Patrick Payin
Comité éditorial : Etienne Côté-Paluck, Jean Elie Fortiné, Jean-Paul Saint-Fleur
Stagiaires : Wilky Andris, Donley Jean Simon
Collaboration spéciale : Delano Morel, Françoise Ponticq, Stéphanie Tourillon-Gingras, Mateo Fortin Lubin
Partenaires médiatiques : Centre à la Une, J-COM, Nord-Est Info
Partenaires institutionnels : Kay Fanm, Mouka.ht
Un merci particulier au Fonds québécois pour le journalisme international (FQJI) pour son appui.
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