#48 - Festival En lisant : résister par le théâtre
Clôture d’En lisant et de la saison théâtrale, expo de Pierre Michel Jean, le compas sur les palmarès français avec Joé Dwèt Filé, Artisanat en fête sans touristes, et la crise sécuritaire perdure
Against all odds, Port-au-Prince's autumn theater season came to a close last week with the Festival En lisant. Artists and craftsmen braved all challenges to offer the best of the Haitian stage, bringing to a close this unmissable period of the theatrical year. Tout ça et bien plus dans l’édition #48 d’HAÏTI MAGAZINE par DÈYÈ MÒN ENFO.
Mot de la rédaction : Les semaines passent et la situation semble s’aggraver à Port-au-Prince. Malgré l’adversité, nous restons déterminés à couvrir, sur les réseaux sociaux et à travers ce magazine, toute la richesse et la diversité de l’actualité socio-culturelle haïtienne. Merci pour votre soutien !
Etienne Côté-Paluck
Sommaire #48
10 ans de K2D : Pierre Michel Jean à la rencontre de l’âme humaine
Artisanat en fête : une vitrine de créativité malgré l'absence de touristes
Crises à Port-au-Prince : l’attente d’une intervention salvatrice
Clôture du Festival En lisant et de la saison théâtrale
L’automne est depuis longtemps associé au théâtre dans le milieu culturel de Port-au-Prince. Bravant les adversités, les professionnel·les du spectacle ont maintenu cette tradition en 2024, présentant la voix du théâtre comme acte de défiance et de réflexion sur l'état du pays et du monde.
Le Festival En lisant, dernier grand événement de l'automne, a été clôturé le 19 décembre par le concert de la chanteuse Vanessa Jeudi. Pendant 10 jours, des conférences, ateliers, lectures et créations théâtrales originales ont mis en lumière le théâtre contemporain. Le tout programmé en journée afin de garantir, dans une capitale sous tension, la sécurité des participants.
La pièce ABCD ou Ange etc…, de Philippe Violanti, a entre autres marqué cette édition. Présentée en première mondiale, cette tragi-comédie mise en scène par Eliezer Guérismé a présenté une mise en abîme captivante de la création théâtrale et, plus largement, de la vie en communauté.
Arrivée en Haïti depuis septembre, l’actrice française Sylvie Laurent Pourcel est montée sur scène dans le cadre de cette production haïtienne. Les autres invités internationaux prévus à la programmation du festival n’ont par contre pas pu se rendre sur place en raison de l'arrêt des vols réguliers à destination de Port-au-Prince depuis le 11 novembre.
Elle était accompagnée sur scène des comédiens et comédiennes Edouard Baptiste, Jenny Cadet, Joseph Derilon Fils Derilus et Kenny Laguerre, dans le rôle d’acteurs et actrices en répétition pour une pièce de théâtre.
La crise sécuritaire a entraîné l’annulation des activités scolaires prévues au Festival, mais tous les autres événements ont été maintenus.
Toujours dans le cadre du Festival En lisant, Pierre Michel Jean a présenté le 18 décembre son documentaire L’oubli tue 2 fois à l’Institut français de Port-au-Prince, suivi d'une discussion à laquelle s’est jointe la documentariste Rachèle Magloire (1964 Simetyè kamoken). Ce film aborde l’histoire du massacre du Persil en 1937, où 30 000 victimes ont péri à cause de la couleur de leur peau, et suite aux ordres du dictateur dominicain. Une œuvre essentielle pour raviver la mémoire et susciter le débat.
Le théâtre à l’écoute de ce qui se passe dans le monde - Le Nouvelliste
En Haïti, le théâtre comme outil de combat contre la violence – Libération
En Lisant, le festival de dramaturgie contemporaine, un pari ambitieux - Le Nouvelliste
« Et si c’était la fin » le thème surprenant de la 9e édition du Festival En Lisant - Le National
La 9e édition du Festival de Théâtre En Lisant officiellement lancée - Le Nouvelliste
Jusqu'à ce que l'amour nous répare - Le Nouvelliste
Une clameur contre le silence - Le Nouvelliste
Quatre chemins : l’art vivant au cœur des turbulences
La 21e édition du festival Quatre chemins s’est conclue le 7 décembre avec un concert de la chanteuse Fameuse Maude au Centre culturel Brésil-Haïti de Pétion-Ville.
Parmi les moments forts de Quatre chemins, la pièce unique de l'acteur et dramaturge Syto Cavé, accompagné de Daniel Marcelin et Daphena Rémédor, a marqué les esprits.
10 ans de K2D : Pierre Michel Jean à la rencontre de l’âme humaine
Le photographe Pierre Michel Jean a célébré une décennie de K2D en exposant ses œuvres les plus marquantes lors d’un événement à son atelier. Cette exposition fait partie d’une série organisée mensuellement par les membres de ce collectif.
Réputé pour son travail récent en photographie argentique, cet ancien correspondant de l’AFP collabore régulièrement avec HAÏTI MAGAZINE et l’équipe de DÈYÈ MÒN ENFO.
Vidéoclip de la semaine
4 Kampé - Joé Dwèt Filé
Le chanteur français Joé Dwèt Filé, fils d’immigrants haïtiens, fait vibrer Haïti avec son succès 4 Kampé, qui mélange rythmique compas et influences modernes. Ce phénomène musical, accompagné d’un clip comptant plus de 24 millions de vues, transcende les frontières et unit les publics malgré les barrières linguistiques.
D’abord un succès en France, où elle domine les palmarès, la chanson 4 Kampé a finalement traversé l’Atlantique avant de s’imposer en Haïti et aux États-Unis. Des stars comme Madonna et J Cole ont été filmées dansant sur sa rythmique compas enivrante, confirmant ainsi son rayonnement international.
« 4 Kampé », le phénomène musical qui transcende les frontières - Le Nouvelliste
Décryptage des Paroles de “4 Kampé” de Joe Dwet File - Chokarella
Artisanat en fête : une vitrine de créativité malgré l'absence de touristes
L’événement Artisanat en fête s’est déroulé les 14 et 15 décembre à Pétion-Ville, rassemblant plus de 200 artisans selon les organisateurs.
Bien qu’affectée par la crise touristique, cette manifestation reste un pilier de la culture et de l'économie locales.
Crises à Port-au-Prince : l’attente d’une intervention salvatrice
Les événements tragiques continuent de s’enchaîner à Port-au-Prince, où la majorité du territoire reste sous le contrôle de groupes armés. Le massacre de plus de 200 personnes à Wharf Jérémie, principalement des personnes âgées, quelques semaines seulement après un autre massacre dans l’Artibonite ayant fait plus de 100 victimes, a profondément secoué la capitale haïtienne. La brutalité gratuite de ces actes pourrait marquer le début de l’effondrement de la coalition de groupes armés Viv Ansanm, selon certains observateurs. Comment cette coalition peut-elle encore prétendre défendre les plus démunis si certains de ses membres ciblent systématiquement les populations les plus vulnérables ?
Cette semaine, un autre drame a frappé la capitale, entraînant la mort d’un policier et de deux journalistes, ainsi que de nombreux blessés. Heureusement, notre collaborateur Jean Elie Fortiné avait quitté les lieux quelques minutes avant l’attaque.
Tout a commencé de manière inattendue : le ministère de la Santé avait convié les journalistes à la réouverture officielle de l’Hôpital Général (HUEH), fermé depuis mars, le matin du 24 décembre, puisqu’il se trouve dans une zone de conflit. Une opération de nettoyage des rues autour du bâtiment avait été réalisée en préparation de l’événement, mais la délégation ministérielle ne s’est jamais présentée.
Plus de deux heures après l’heure prévue, alors que les journalistes attendaient toujours, des dizaines d’hommes armés ont ouvert le feu sur les bâtiments environnants, tirant des centaines de balles. Ce geste serait une manifestation d’opposition du chef du groupe armé de Village de Dieu à la réouverture du principal centre hospitalier de la région. Le tollé qui a suivi s’est retourné contre le ministre de la Santé, accusé d’avoir organisé cet événement sans s’assurer que la zone était sécurisée. Selon plusieurs médias, le gouvernement de transition aurait décidé de le révoquer ce jeudi.
Envahis le mois dernier, les quartiers de Nazon et Solino restent hors de contrôle des forces de l’ordre. La célèbre route de Nazon, qui longe la limite est de ces quartiers, est désormais empruntée uniquement par des véhicules blindés de la police.
Plus tôt en décembre, des attaques armées ont également été signalées à Poste Marchand, près du Champ-de-Mars. Plusieurs véhicules et maisons y ont été incendiés. À l’instar de nombreux quartiers voisins, les résidents de cette zone commencent à fuir en emportant leurs biens.
Alors que l’activité avait timidement repris en octobre, le carrefour Aéroport, célèbre pour son viaduc, est redevenu le théâtre d’affrontements entre les forces de sécurité et les groupes armés. La route de Delmas, qui traverse le nord du quartier Solino, reste un point stratégique contesté.
Une nouvelle base de la force internationale d’intervention a été installée au bas de la route de Delmas, à proximité du territoire contrôlé par le groupe armé dirigé par Jimmy “Barbecue” Chérizier. Malgré de nombreuses interventions de la police ces dernières semaines, ces quartiers échappent toujours au contrôle des autorités.
Pendant ce temps, des dizaines de milliers de personnes déplacées survivent dans des camps de fortune; des millions d’autres, affectées par la crise économique, ont vécu un Noël sans espoir ni perspectives.
La principale solution envisagée par le gouvernement de transition repose sur une intervention étrangère. Or celle-ci ne se met en place que très lentement. L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, avec une prise de fonction prévue à la mi-janvier, ajoute de l’incertitude quant à la pérennité du financement de cette initiative américaine à moyen et long terme.
Si ce financement n’est pas renouvelé l’an prochain, les autorités ont-ils un plan pour former et équiper suffisamment la police haïtienne pour affronter seule les groupes armés ? De toute manière, les perspectives d’une élection en Haïti en 2025 semblent de plus en plus improbables.
Haïti-Violences des gangs : 207 personnes exécutées en 6 jours à Wharf Jérémie, selon un nouveau bilan des Nationsunies - AlterPresse
Mourir pour des vues - La loi de ma bouche
La réouverture de l’Hôpital général par le ministre de la Santé vire au carnage - Le Nouvelliste
Clin d’oeil : donner une voix aux femmes par la photographie
La photographie demeure, à l’échelle mondiale, un métier majoritairement exercé par des hommes. Pour tenter de changer cette réalité, les Rencontres du documentaire de Port-au-Prince ont organisé deux jours de formation spécialement dédiés aux femmes. Cette initiative était animée par le photographe de renom Odelyn Joseph, collaborateur de HAÏTI MAGAZINE, qui a profité de l’occasion pour présenter son exposition urbaine. Ses clichés, collés sur les murs de plusieurs rues de la capitale, ont offert une immersion artistique inédite. Par ailleurs, du 15 au 22 décembre, les Rencontres du documentaire, organisées par Kit Média, ont proposé une série de projections dans des camps de déplacés ainsi que dans certains quartiers de Port-au-Prince, accompagnées de débats en ligne.
L’équipe DÈYÈ MÒN ENFO
Photo-journalistes : Francillon Laguerre, Sonson Thelusma, Andoo Lafond, Milot Andris, Patrick Payin
Comité éditorial : Etienne Côté-Paluck, Jean Elie Fortiné, Jean-Paul Saint-Fleur
Stagiaires : Wilky Andris, Donley Jean Simon
Collaboration spéciale : Stéphanie Tourillon-Gingras, Mateo Fortin Lubin
Partenaires médiatiques : Centre à la Une, J-COM, Nord-Est Info
Partenaire institutionnel : Kay Fanm, Mouka.ht
Un merci particulier au Fonds québécois pour le journalisme international (FQJI) pour son appui.
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Revues de presse
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