#56 - SPÉCIAL MUSIQUE : L’été des refrains du cœur, avec Durkheim
Les vérités de Durkheim, Haïti au rythme du monde, les provocations de Mr. Pass, Kenscoff toujours sous tension, Pacot ne cède pas et vieux réflexes pour un nouveau président
Quand tout vacille, l’amour tient la note. Avec ses refrains intenses, Durkheim s’impose comme l’une des voix phares de l’été, rencontré pour cette édition spéciale sur la musique estivale. Tout ça et bien plus dans l’édition #56 de HAÏTI MAGAZINE par DÈYÈ MÒN ENFO.
Sommaire #56
Les vérités de Durkheim
Le chanteur Durkheim s’impose comme l’une des voix les plus écoutées du pays. Mi-vingtaine, il vient de boucler une série de mini-concerts dans plusieurs grandes villes, hors de Port-au-Prince. Nous l’avons rencontré avant sa dernière date à Jacmel.
Originaire de Croix-des-Bouquets en banlieue nord de Port-au-Prince, il chante les joies et les peines de l’amour, l’amitié, et les aléas de la vie sentimentale.
« C’est un choix de montrer les parts d’ombre de ma vie, de dire à voix haute ce que beaucoup gardent pour eux », confie-t-il. « Que je l’aie vécu ou non, que ça m’ait blessé ou pas, je m’en sers pour partager toute cette émotion. Je veux montrer que, même en tant qu’artiste, je peux souffrir aussi. »
Découvrez notre entretien complet sur sa carrière et sa vie à Sherbrooke, au Québec, publié dans La Presse de Montréal.
Le choix musical de Durkheim :
« C’est un jeune artiste, c’est la chanson que j’écoute le plus en ce moment. »
HAITI MIXTAPE SESSIONS #4 - Best Of 2025
Les plus grands succès haïtiens de l’année, et nos coups de cœur musicaux, mixés par DJ Gadon Blan (aka ECP), au resto-bar Vue sur Mer, à Cayes-Jacmel, le 19 juillet 2025.
Haïti au rythme du monde
Après un moment fort en 2023 avec les albums de Zafèm et Medjy, le compas a retrouvé un élan cette année, notamment grâce au succès de Joé Dwèt Filé. Depuis 70 ans, le compas inspire une multitude de styles de la Caraïbe et d’ailleurs. Avec plus de 100 millions de vues sur YouTube, le titre 4 Kampé a résonné en Haïti, en France et bien au-delà, atteignant peut-être enfin la reconnaissance internationale que le genre mérite depuis longtemps.
Cet été, le morceau le plus populaire en Haïti est sans doute Voye dlo, une collaboration entre Yani Martelly, Tonymix et trois chanteuses invitées.
Avec ses rythmes effrénés, le raboday a été moins présent dans les hits cette année. Le contexte de crise, peu propice à ses percussions saccadées et intenses, y est sans doute pour quelque chose, même si certains morceaux se sont tout de même imposés.
L’influence africaine reste forte, et l’afro-pop et l’amapiano toujours en tête. Ces styles s’accordent souvent avec le compas, créant des fusions très appréciées du public.
La diaspora marque aussi la production musicale : Durkheim et Troubleboy évoquent le coût de la vie, tandis que Loji Baby raconte ses démêlés avec la police de l’immigration.
Enfin, la crise nationale est au cœur de nombreuses chansons qui décrivent une population prise en étau entre des dirigeants accusés de corruption et des groupes armés capables de bloquer villes et économie à la fois.
Vidéoclip de la semaine
Yon timoun legliz - Mr. Pass
Accompagné d‘un clip très osé, le chanteur Mr. Pass signe une chanson tout aussi provocante. Il y raconte l’histoire d’une « enfant de l’église » prête à toutes les aventures au lit, allant jusqu’à inviter une amie à se joindre à elle.
Sur une mélodie entraînante, il reprend avec étonnement les paroles de la jeune femme qu’il a rencontrée et emmenée à l’hôtel, où elle a « chanté au micro » comme à la chorale :
« Je suis une enfant de l’église. »
Kenscoff toujours sous tension
La commune de Kenscoff et sa voisine Furcy restent sous haute tension, ce que notre équipe a pu constater sur place. Les autorités contrôlent toujours le centre, mais plus haut, sur la route de Furcy, des groupes armés ont percé les lignes vendredi matin, attaqué et incendié deux blindés de la Mission multinationale de sécurité. Des policiers kenyans ont été blessés.
Jeudi en fin de matinée, la police avait repris la majeure partie de la zone, mais le secteur de Teleco restait tendu. Les policiers patrouillent aussi dans certaines zones de Furcy, où le commissariat a été incendié dernièrement.
« Avec un ou deux hélicoptères, la situation serait rapidement sous contrôle », glisse un policier rencontré sur place.
À quelques centaines de mètres de là, le 3 août dernier, huit personnes ont été enlevées dans un orphelinat de Kenscoff, dont un enfant et une ressortissante irlandaise. Ils sont toujours aux mains de leurs ravisseurs.
À Port-au-Prince, cinq employés de l’UNICEF, dont un ressortissant français, ont été libérés après trois semaines de captivité. Ils avaient été enlevés lorsqu’ils distribuaient des médicaments dans une zone à risque. Selon une source au fait du dossier, une rançon de plusieurs milliers de dollars aurait été versée par leurs proches. Il s’agirait du premier enlèvement d’employés de l’ONU en Haïti.
Pacot ne cède pas
À Port-au-Prince, le quartier Pacot tient bon face aux assauts. Les brigades locales et la police ont repris le contrôle des alentours de l’hôtel Prince, sur l’avenue N, secteur disputé depuis la fin juillet, comme nous l’avions rapporté.
Des opérations policières et des groupes d’autodéfense ont toutefois eu lieu ces derniers jours, et plusieurs drones ont explosé près de la rue 4. Lundi après-midi encore, des drones ont explosé à proximité.
Ces derniers jours, davantage de commerçants ont été aperçus dans les quartiers Pacot et bas-Turgeau, au carrefour Tifou à Bois-Verna et ainsi que dans certains secteurs du Champs-de-Mars, signe d’un léger retour à la normale, et ce, malgré la tension persistante.
Nouveau président, vieux réflexes
Jeudi dernier, devant la Villa d’Accueil à Port-au-Prince, certains manifestants ont caché leur visage à l’approche des caméras tout en exprimant leur soutien au nouveau président du Conseil présidentiel de transition, l’homme d’affaires Laurent St-Cyr.
« Je m’essuyais seulement le visage », nous a assuré l’une d’elles.
Mais le message était clair quand les photos ont circulé : t-shirts assortis, pancartes imprimées… Une mise en scène, selon plusieurs critiques, qui rappelle d’anciennes tactiques politiques, où l’argent sert à fabriquer une mobilisation populaire.
À ce moment se tenait, à l’intérieur du centre officieux du pouvoir présidentiel, une cérémonie fastueuse. Invités triés sur le volet, chauffeurs dans le parking, coupes de champagne, le tout dans un pays en pleine crise historique.
Comme à l’habitude, les remaniements ont commencé : préparation d’un nouveau Conseil des ministres, nomination d’un nouveau Directeur général de la police, et bientôt, sans doute, de nouveaux directeurs dans tout l’appareil d’État. La nouvelle équipe au pouvoir semble vouloir placer ses pions rapidement.
Clin d’oeil : Regards d’ailleurs aux Cayes
Après Cap-Haïtien et Jacmel, la compagnie Théâtre Créole a présenté au printemps la quatrième édition de son festival Regard d’ailleurs aux Cayes.
En clôture, le concert-théâtre Âme et lit, porté par le musicien Darlin Johancy Michel et plusieurs comédiens et comédiennes, a exploré la crise que traverse le pays. L’événement, organisé au club Antistress, a marqué la fin de cinq jours d’ateliers et de représentations, rassemblant artistes et public autour d’une même scène.
L’équipe DÈYÈ MÒN ENFO
Photo-journalistes : Francillon Laguerre, Sonson Thelusma, Andoo Lafond, Milot Andris, Patrick Payin
Comité éditorial : Etienne Côté-Paluck, Jean Elie Fortiné, Jean-Paul Saint-Fleur
Stagiaires : Wilky Andris, Donley Jean Simon
Collaboration spéciale : Stéphanie Tourillon-Gingras, Mateo Fortin Lubin
Partenaires médiatiques : Centre à la Une, J-COM, Nord-Est Info
Partenaire institutionnel : Kay Fanm, Mouka.ht
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